28/12/19

L’éclat des 100 ans

Ces deux résidants ont le teint clair, le sourire malicieux et le regard enchanteur. On a peine à le croire, mais ils viennent de célébrer, en octobre dernier, leurs cent ans, entourés de leurs proches et du personnel de l’EMS Les Lauriers, avec les hommages institutionnels du Canton et de la Ville de Genève. La douceur bienveillante de Madame Bayette et de Monsieur Dupraz illumine la vie de notre institution et la vie tout court.

« Je suis vieux mais je me sens jeune », annonce-t-il en riant. Celui qui se présente comme « un grand gamin » a fêté ses cent ans le 1er octobre dernier à l’EMS Les Lauriers. Heureux hasard : le même jour, partout dans le monde, on célébrait les personnes âgées. « Il fait pas bon devenir vieux, nous confie-t-il. » Pourtant, quand on lui demande comment il va, l’homme répond, dans un large sourire communicatif : « Je me sens comme d’habitude, ni plus, ni moins ». Arrivé aux Lauriers en 2015, il se dit heureux d’être entouré. Il faut dire que Monsieur Dupraz est un tendre, celui qui vous serre dans les bras, qui vous caresse la main, qui vous embrasse, avec pudeur et spontanéité.  Un temps boulanger, il passera ensuite plusieurs années dans une usine de décolletage dans le même quartier de la Servette. Des années dont il se souvient avec bonheur, en particulier parce qu’il pouvait profiter des rayons du soleil qui inondait la salle, les mêmes qu’il va chercher sur la terrasse de l’EMS l’été ; et parce qu’il pouvait dessiner. D’ailleurs, s’il participe aux ateliers de mouvements « pour ne pas rouiller » admet-il amusé, Monsieur Dupraz ne manque jamais la séance hebdomadaire d’art thérapie. Son dada, les natures mortes, les paysages, les maisons. A l’observer manier le pinceau, on découvre un homme concentré et méticuleux, attentif aux détails de son tableau mais toujours prompt à encourager les autres résidants. Le contact avec les autres, c’est ce qui lui plaît ici : « On est très bien entourés et soignés, on fait des connaissances qu’on n’aurait pas fait ailleurs ». Parmi ses proches amis, Madame Dubois, résidante avec qui il participe aux activités la journée : les fêtes, le loto, les ateliers de cuisine… S’il aime la compagnie des femmes et des hommes, le centenaire  aussi la présence des chats, parce qu’ils « se débrouillent, qu’ils sont libres ». Né à Turin, d’une mère italienne et d’un père suisse, Monsieur Dupraz aimait aussi pratiquer le vélo, monter au Salève et se promener dans la campagne.

Elle, c’est à moto, accompagnée de son époux, qu’elle a parcouru les cols alpins de la Suisse. Madame Bayette a eu cent ans le 21 octobre dernier, entourée des siens et réunissant de nombreux employés, avec qui elle a créé un lien affectif particulier. Le dos légèrement courbé, les prunelles bleues rieuses, ce petit bout de femme a reçu les grands hommages de tous non sans une certaine fierté. Les rides de son visage dessinent les traits d’une vie vécue avec ce que ses proches qualifient de « force tranquille ».  Rose-Pauline Bayette a passé son enfance à Fribourg, aux côtés de ses quatre frères et sœurs, dans la ferme familiale de Belfaux. Jusqu’à ses dix-sept ans, elle cultivera le potager, s’occupera des vaches, des poules et des chevaux et secondera ses parents sur le marché hebdomadaire de la ville, à plus d’une heure de marche de la maison, se souvient-elle. Quand sa famille perd le domaine, ils déménagent à Genève, près de l’aéroport. Pendant plus de quarante ans, elle travaillera dans des magasins d’alimentation. Arrivée en 2015 aux Lauriers, son emploi du temps est aujourd’hui rythmé par de longues heures à remplir les mots mystères des journaux que son cher neveu lui apporte, sous la lumière basse et reposante des ampoules de sa chambre – elle qui déteste les éclairages trop puissants. Et par les visites attendues dans sa chambre des clowns et  des bénévoles de l’association Pattes Tendues. Coquette et gourmande, Rose-Pauline cultive la joie d’être toujours active, partageant son temps entre ces moments de tranquillité et des instants festifs auprès des autres résidants et des siens, qui lui rendent des visites régulières.

Comme des porte-bonheurs que l’on chérit, nos centenaires envoient valser tous les clichés associés à la vieillesse et nous réconcilient avec le grand âge. Et ne comptez pas sur eux pour vous dévoiler les secrets de leur longévité ! Ils ont traversé les époques avec mesure et bienveillance et leur sourire agit comme un puissant antidote au temps qui passe.